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Publié le 6 avril 2018

Rwanda, France, mémoire d’un conflit : les archives en question

À quoi peuvent bien servir des archives ? Ici, à clarifier des actes et des événements graves et à apaiser des relations sociales et diplomatiques… Les archives sont parmi les gènes de nos démocraties.

Vingt-quatre ans après le génocide des Tutsis au Rwanda (avril à juillet 1994), l’accès aux archives reste très compliqué aussi bien au Rwanda qu’en France. L’enjeu principal pour les deux pays, si aucun des protagonistes n’a rien à cacher, est l’ouverture en grand de ces archives. De plus, cette ouverture aux chercheurs et à la justice permettrait de sortir de la polémique qui reste très forte sur ce sujet brûlant et qui envenime les relations entre les deux pays.

Ces archives sont un matériau indispensable pour écrire l’histoire juste de cette tragédie, même si certains expliquent que les documents conservés ne nous apprendraient pas vraiment plus sur le génocide en lui-même (entre 800.000 et un million de tués). Si certains, nombreux, prône la transparence qui est un devoir de mémoire et l’ouverture totale des archives, d’autres sont opposés à cet accès complet, se retranchant derrière le secret-défense. Des deux côtés, Rwanda et France, les archives sur le sujet sont abondantes, ce qui montre deux administrations au goût immodéré du papier.

En France, le dépositaire de cette mémoire est le Service historique de la Défense (SHD) à Vincennes qui dispose de 250 cartons venant de 40 services ou unités différentes comme la Présidence de la République. Il manque néanmoins dans ce fonds les archives de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). Selon les archivistes du SHD, ces archives sont d’une grande richesse. Mais, d’après la loi, ce fonds, baptisé « Rwanda 1990-1998 », est soumis à un délai de communication de soixante ans, ce qui veut dire que les chercheurs ne pourront pas les étudier avant 2054. Au Rwanda, les archives sont tout aussi importantes, comme les archives militaires des ex-forces militaires et celles de la présidence de Habyarimana, le président Hutu tué dans un attentat le 6 avril 1994, événement qui déclencha le génocide.

Pour certains acteurs, l’ouverture des archives devrait s’accompagner d’une loi d’amnistie !
Ce sujet, d’ouverture ou non, nous interpelle car les archives constituent un des piliers de nos démocraties. Au cœur de nos civilisations modernes, elles témoignent des faits et, plus encore, leur ouverture à tous sans restriction et leur bonne exploitation doivent apaiser les relations sociales entre les Tutsis et les Hutus ainsi que les relations diplomatiques entre la France et le Rwanda.
Ce dossier chaud et diplomatique pourrait trouver bientôt une solution : le président de la République française, Emmanuel Macron, doit rendre visite à son homologue Rwandais Paul Kagame.

Source : Le Monde, « Le temps des archives », le 29 mars 2018